Les incidences des mesures d’urgence sanitaire en urbanisme

Face à l’épidémie du Covid 19 qui frappe durement notre pays, l’ensemble des acteurs de la société civile et des citoyens se retrouvent confinés chez eux. Dans cette période si particulière, le gouvernement a pris des mesures d’urgence sanitaire inédites, dont certaines ont des incidences en droit de l’urbanisme.


La loi n° 2020-290 intitulée loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a été adoptée le 23 mars 2020. Au visa de l’article 11 de cette loi, une série d’ordonnances a été prise avec effet immédiat au 26 mars 2020, dont l'ordonnance n° 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. Une circulaire du 26 mars 2020 établie par la Garde des sceaux est venue apporter des précisions sur la teneur de ces dispositions.

En matière de droit de l’urbanisme, les points principaux à retenir sont les suivants :


L’article 1er de l’ordonnance dispose :

« Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée. »

Une période intitulée dans la circulaire « période juridiquement protégée » est donc définie pour l’application de l’ordonnance.

Cette période s’étend du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration du délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

A ce jour, le législateur a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2020. Cette durée pourra être prolongée ou raccourcie en fonction de l’évolution de la situation.

Ainsi, si la date de cessation de l’état d’urgence est maintenue au 24 mai 2020, la « période juridiquement protégée » devra s’entendre comme courant du 12 mars 2020 au 24 juin 2020.

Les délais qui ont expirés ou qui expireront pendant cette « période juridiquement protégée » font l’objet des mesures particulières fixées par l’ordonnance du 26 mars 2020.

L’article 1er précise également une liste de délais et des mesures exclus du dispositif. Cependant, les délais afférents ont droit de l’urbanisme sont bien inclus dans le dispositif.


L’article 2 de l’ordonnance prévoit :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »

En droit de l’urbanisme, le délai de recours des tiers court à compter de l’affichage du panneau de permis sur le terrain, et pendant une durée de deux mois.

Si ce délai expire pendant la « période juridiquement protégée », le tiers sera recevable à agir pendant un nouveau délai de deux mois qui commencera à courir à compter de la fin de cette période.

Quid du délai qui expirera juste quelques jours après la fin de la « période juridiquement protégée » ? La lettre de l’ordonnance permet de penser que le tiers devra introduire son recours avant l’expiration du délai légal, sans pouvoir se prévaloir de l’ordonnance.

En effet, ainsi que le précise la circulaire du 26 mars 2020, les délais dont « le terme » est fixé au-delà de la « période juridiquement protégée » ne pourront pas bénéficier d’un report du terme.


L’article 3 de l’ordonnance est ainsi rédigé :

« Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période : 1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ; 2° Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ; 3° Autorisations, permis et agréments ; 4° Mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ; 5° Les mesures d’aide à la gestion du budget familial. Toutefois, le juge ou l’autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020. »

En application de cet article, les permis de construire, d’aménager, de démolir et les déclarations préalables dont le terme vient à échéance pendant la « période juridiquement protégée » seront prorogés de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période.

Ont peut également faire application de cet article si, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme, l’administration sollicite la communication de pièces complémentaires avant le 12 mars 2020. Les pièces sollicitées pourront être communiquées à l’administration jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la fin de la « période juridiquement protégée ».


L’article 7 de l’ordonnance est également intéressant à plusieurs titres.

Il prévoit :

« Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci. Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public. »

Cette disposition a pour objectif d’éviter la délivrance d’autorisations tacites pendant la « période juridiquement protégée ».

En effet, en principe, le silence de l’administration par suite d’une demande d’autorisation d’urbanisme vaut acceptation.

L’ordonnance prévoit que les délais d’instruction ayant commencé à courir avant le 12 mars 2020 et non expirés sont suspendus jusqu’à l'expiration de la « période juridiquement protégée ».

Ainsi, pour une demande de permis de construire une maison individuelle déposée avant le 12 mars 2020, une décision tacite d’autorisation ne sera susceptible d’intervenir qu’à l’expiration du délai légal de deux mois, lequel aura été suspendu du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration de la « période juridiquement protégée ».


L’article 8 de l’ordonnance vise le contrôle des travaux :

« Lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci. »

Les délais impartis par l’administration pour réaliser des contrôles ou des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont suspendus.


Enfin, l’article 9 de l’ordonnance détermine des catégories d’actes, de procédures et d’actions pour lesquels les articles 7 et 8 précités ne s’appliquent pas.

Ces dérogations sont justifiées par des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse.


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